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Eliot Nasrallah


Photographe
Basé à Paris



J’ai toujours imaginé les ateliers d’artistes arborés de hautes verrières.
Elles apporteraient lumière et chaleur.
Cette lumière se ferait muse.
On serait isolé du reste du monde.

Pour ma part, je rêve de mon atelier comme un espace précieux, intime, rempli d’images et de collections. Un lieu dans lequel divaguer, rechercher, créer et expérimenter sans limites.  Un refuge où l’artiste se construit, met à nu ses obsessions et travaille à la cartographie de son œuvre.
Un lieu qui lui ressemble.

Deux ans après notre première rencontre, Eliot Nasrallah m’accueille dans son nouvel atelier qui se trouve au fond d’une cour, dans un long bâtiment agrémenté des verrières que j’imaginais.
Cet endroit lui ressemble.

Il accepte d’ouvrir les portes de son espace de travail et de parler de sa démarche artistique et de sa technique de production. Depuis la dernière fois où nous avons fait du tirage ensemble, l'agrandisseur a évolué, et comme deux enfants découvrant un nouveau jouet, il me détaille ses fonctionnalités et fait une démonstration qui m’éblouit. Il a aménagé son lieu de création lui-même en bricolant rationnellement tout ce dont il avait besoin pour fonctionner. 

Eliot Nasrallah est un artiste Franco-Libanais. Il mène une recherche autour des processus d’apparition et de disparition des images en relation avec les fragilités des territoires du bassin méditerranéen. En effectuant des va-et-vient entre procédés argentiques et numériques, sa pratique explore diverses techniques de reproduction à partir d’expérimentations du médium photographique. Entre impressions alternatives, publications photographiques, installations vidéo et paysages sonores, son travail tente de révéler différentes possibilités plastiques et narratives liées à la représentation du souvenir. Si les séries d’images qu’il déploie tendent parfois vers une forme de mysticité et d’abstraction, les gestes de rapprochement qui les activent semblent participer au montage d’une mémoire en perpétuelle construction. De l’archive personnelle à l’image-document, son travail interroge la capacité des images à témoigner de leurs propres histoires de fabrication face à l’impermanence de certains contextes.

Au centre de la pièce principale, se trouve un îlot avec des tiroirs qui regorgent de trésors. Ils contiennent des tirages en cyanotypes immenses, des recherches de papiers, des tests d’impressions, pleins de notes, des pierres qui retiennent des tirages de lectures, une cassette audio, le livre d’Anne Carson “Autobiographie du rouge”, plusieurs maquettes de livres à des stades de réalisation différents, mais aussi des négatifs ; organisés par projets, par tiroirs et par stade de développement. C’est une collection de morceaux d’un puzzle dont on ne voit que le résultat. C’est fascinant. En ouvrant les tiroirs à la suite, on voit le cheminement de l’artiste mais aussi son fil rouge et son travail visuel.
C’est une part de l’intime de l’artiste.

Sur un mur de l’atelier, des pages de son dernier recueil, “Les yeux fermés”, sont accrochées. Cette réflexion en cours sur la scénographie est la préparation d’une exposition à venir. Il décompose le squelette du livre et déconstruit l’objet afin de lui donner une nouvelle place dans l’espace et une nouvelle lecture.

Les yeux fermés est une recherche photographique, vidéo et sonore mettant en scène plusieurs protagonistes à travers un voyage initiatique dans différents lieux du bassin méditerranéen, et qui plus tardivement, s’achève dans le cratère d’un volcan encore en activité situé en Grèce.

Comme de nombreux projets antérieurs, ce travail est né à partir d’une situation provoquée par la disparition d’un lieu. Un contexte soulevant inévitablement des enjeux photographiques liés aux représentations du souvenir, mais également à des questions plus larges en résonance à l’absence et à la mémoire.
Ici, cette recherche s’intéresse précisément à «l’après-disparition», et plus précisément, aux états que le corps doit parfois traverser pour parvenir à lui-même générer de nouveaux processus de guérison.
Le long de ce périple, le corps adopte en premier temps des postures suggérant un retour à l’état embryonnaire. Plus tard, par le biais d’une suite de rituels et protocoles performatifs, celui-ci prendra appui sur diverses formes du vivant pour tenter progressivement de se relever, et cela, jusqu’à sa rencontre avec le cratère volcanique en gestation appelé Stefanos.

Finalement, le travail vidéo clôturant la série photographique nous dévoile une séquence où le corps est cette fois-ci guidé par le volcan à travers une marche mystique et quasiment méditative. Une rencontre provoquée entre deux corps à propos du phénomène si mystérieux de la résilience, et où le volcan, ici montré à la fois comme figure et danger, est approché comme métaphore d’une présence paternelle disparue.

Ainsi, Les yeux fermés tente de questionner comment le corps pourrait s’engager dans un processus thérapeutique de guérison. Mais aussi, au rôle que joue la photographie lorsqu’une dimension performative intervient pour construire des images. Ici volontairement éteintes, les photographies du projet nous interrogent sur notre difficulté à affirmer leur naissance ou leur disparition…

Les ateliers d’artistes représentent l’un des espaces les plus intimes dans leur pratique. Bien que cela soit un espace de travail, en tant qu’artiste, je considère cela comme des représentations de l’essence de leurs créateurs.rices et ces lieux sont leurs représentations. Cela me fascine et m’honore particulièrement quand l’un d’entre eux m’ouvre ses portes et partage avec moi leur démarche.

Pour cela, je remercie profondément Eliot pour sa confiance.

eliotnasrallah.com






Eliot Nasrallah


Photographer
Based in Paris



I've always imagined artists' studios with tall glass roofs.
They would bring light and warmth.
This light would become a muse.
You'd be isolated from the rest of the world.

For my part, I dream of my studio as a precious, intimate space, filled with images and collections. A place in which to wander, research, create and experiment without limits. A refuge where artists can build themselves up, lay bare their obsessions and work on the cartography of their work. A place that resembles them.

Two years after our first meeting, Eliot Nasrallah welcomed me to his new studio at the end of a courtyard, in a long building with the glass roofs I had imagined.
This place looks just like him.

He agreed to open the doors of his workspace and talk about his artistic approach and production technique. Since we last made prints together, the enlarger has evolved, and like two children discovering a new toy, he details its functions and gives a demonstration that dazzles me. He set up his creative space himself, rationally tinkering with everything he needed to make it work.

Eliot Nasrallah is a French-Lebanese artist. He has been leading a research regarding images’ process of appearance and disappearance in relation to the fragility of territories in the Mediterranean basin. Going between analog and digital technics, his practice encompasses various reproduction means through experimentations of the photographic medium. From alternative printing methods, photographic publications, video installations to field recordings, his works intends to reveal the plastic and narrative possibilities regarding the representations of memories. If the series of images unfolds into a form of mysticism and abstraction, the gesture of association that activates them seems to participate to the build-up of a memory in perpetual construction. From personal archive to the document-image, his work questions the capacity of images to testify the story of their own making in the face of the impermanence of certain contexts.

In the centre of the main room is an island with drawers full of treasures. They contain huge cyanotype prints, research papers, print tests, lots of notes, stones holding prints of readings, an audio cassette, Anne Carson's book ‘Autobiography of Red’, several book dummies at different stages of completion, but also negatives; organised by project, by drawer and by stage of development. It's like a collection of pieces of a jigsaw puzzle, with only the result visible. It's fascinating. If you open the drawers one after the other, you can see the artist's progress, but also his common thread and his visual work. 
It's an intimate part of the artist.

On a wall in the workshop are pages from his latest work, “Les yeux fermés”. This ongoing reflection on the scenography is the preparation of a future exhibition. He decomposes the skeleton of the book and deconstructs the object in order to give it a new place in space and a new reading.

Les yeux fermés (Eyes Closed) is a photographic, video and sound research project involving several protagonists through a spiritual journey taking place in different parts of the Mediterranean basin, and ending later in the crater of a still active volcano in Greece.

Like several earlier projects, this work grew out of a situation caused by the disappearance of a place. A context that inevitably raises photographic issues linked to representations of memory, but also to broader questions that resonate with absence and memory.

Here, the research focuses on the ‘aftermath’ and, more specifically, on the states that the body must sometimes experience in order to generate new healing processes. Along the journey, the body initially adopts postures that suggest a return to the embryonic state. Later, through a series of rituals and performative protocols, the body will draw on various forms of living matter in a gradual attempt to get back on its feet, leading up to its encounter with the volcanic crater known as Stefanos.

Finally, the video work that closes the photographic series reveals a sequence in which the body is this time guided by the volcano through a mystical and almost meditative walk. A meeting between two bodies about the mysterious phenomenon of resilience, in which the volcano, shown here as both figure and danger, is approached as a metaphor for a lost paternal presence.

Les yeux fermés is an attempt to explore how the body can become involved in a therapeutic healing process, but also, at the role played by photography when a performative dimension is used to construct images. Here, intentionally darkened, the photographs ask us about our difficulty in determining their birth or disappearance...

The artists' workshops are one of the most intimate spaces in their practice. Although it is a workspace, as an artist I consider it to be representations of the essence of their creators. It fascinates me and honors me particularly when one of them opens their doors and shares with me their approach.

For this, I  deeply thank Eliot for his trust.

eliotnasrallah.com



“Comme de nombreux projets antérieurs, ce travail est né à partir d’une situation provoquée par la disparation d’un lieu.
Un contexte soulevant inévitablement des enjeux photographiques liées aux représentations du souvenir, mais également
à des questions plus larges en résonance à l’absence et à la mémoire.”



“Like many previous projects, this work was born from a situation caused by the disappearance of a place.
A context inevitably raising photographic issues linked to the representations of memory, but also to broader
questions resonating with absence and memory.”







textes écrits par/texts written by
Eliot Nasrallah & Chochana Rosso

©adagp